Mon atelier de peintre

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CARNET DE VOYAGES DE MON ARRIERE ARRIERE GRAND PERE Chapitre 3

 

 

 Bénarès, Victoria Hôtel  12 octobre 1868

 

Nous avons donné hier, la première représentation à Bénarès, au théâtre royal devant une salle comble.

Ce théâtre consiste en une grande salle longue, au bout de laquelle on a construit un théâtre assez large et assez bien machiné. La salle est partagée en deux classes:

Première et seconde, mais par une habitude assez étrange, les secondes sont devant et les premières au fond.

Tous les premiers bancs ou fauteuils étaient occupés par des soldats, des sergents et des dames de la même classse. Et le fond de la salle était rempli par des officiers, ladies et gentlemen.

Nous jouons encore ce soir et demain nous partons pour Allahabad puis nous devons aller à Cawnpore.

A 5 h nous sommes partis en voiture pour visiter le palais des singes, qui est situé à une assez grande distance de l'hôtel, dans un des faubourgs de la ville. A mesure qu'on approche, on aperçoit déjà un grand nombre de singes sur les murs des différentes habitations, tous libres.

Aucun d'eux n'a cherché à s'approcher de nous. Ils nous regardaient de loin, d'un air à la fois étonné, inquiet et nullement satisfait. Nos habits leur semblaient probablement étranges, cependant ils sont venus prendre les bonbons que nous leur jetions.

Nous nous trouvions là au moment de la prière du soir et les dévots arrivaient tous avec des fleurs à la main. On nous a laissé monter dans cette espèce de vestibule, qui précède l'entrée du temple, et nous avons pu voir l'intérieur. 

C'est un genre de caveau étroit, au fond duquel on voit l'image du dieu sur le mur, entouré de draperies brodées d'or et d'argent. 

Devant cette image une flamme s'élevait, c'était la seule lumière du caveau.

Les dévots venaient s'incliner, disaient leurs prières et jetaient des fleurs autour de la flamme.

Il y en avait déjà un monceau assez considérable, puis ils trempaient le doigt dans un plat où il y avait sans doute une huile sacrée et posaient ce doigt mouillé sur le front entre les deux sourcils, alors ils sortaient avec recueillement, et faisaient place à d'autres,  car le caveau ne peut pas contenir plus de cinq ou six personnes.

Pendant que nous regardions  cette cérémonie, un indien vêtu de blanc est venu nous passer au cou à chacun, une guirlande de fleurs, sans doute comme pour fêter notre visite et puis aussi beaucoup pour avoir quelques annas.

 

 

 

 

 

 

En reprenant notre voiture, nous fûmes assaillis par une telle nuée de mendiants, qu'il fallut les disperser à coups de canne et que deux policemen escortèrent la voiture pendant quelques temps frappant de leur bâton ceux qui s'approchaient trop.

C'était des cris à vous rendre sourd.

En revenant nous avons croisé deux éléphants, harnachés comme pour porter des voyageurs. Nous avons vu aussi quelques dromadaires.

Ce temple que nous venions de visiter est fort ancien et je ne crois pas que la cour a été construite seulement pour les singes. Ils seront venus d'eux même dans ces parages, et comme on leur donne à manger et qu'on les soigne ils s'y seront établis. 

Comme le singe est un animal sacré pour une certaine secte du moins, partout où il y en a, on les accueille très bien. Il y aurait un grand danger à tuer un de ces animaux.

La vengeance suivrait de près ce meurtre et il est douteux que l'on parvienne à l'éviter.

On serait inévitablement assassiné tôt ou tard.

La loi est impuissante dans pareil cas.

Ce culte pour les singes vient d'une ancienne tradition, qui se représente le singe dans les temps primitifs, comme supérieur à l'homme en intelligence, mais l'un deux ayant commis je ne sais quel méfait ou quel larcin au préjudice du roi de Ceylan, Dieu dans sa colère à condamné le singe à perdre la parole et l'intelligence.

Et au lieu de dominer l'homme, de lui être désormais soumis. 

Il y a quelques années, un officier anglais arrivant à Lucknow, avait emmené avec lui un domestique natif, et qui appartenait à cette secte d'adorateurs des singes.
Le jour même de son arrivée, un singe vint sauter dans les arbres qui entouraient son pavillon.
L'officier ignorant sans doute ou peu soucieux de la croyance des hindous prit son fusil et tua le singe.

Le soir même après son dîner, il s'étendit dans un fauteuil devant sa porte. Son domestique prit son fusil, le même qui avait tué le singe, s'approcha doucement derrière son maître et lui brûla la cervelle.

Puis il disparut et jamais on a entendu parler de lui.

 

 

 

Arrivés à Cawnpore le dimanche, nous sommes descendus à United Hôtel, tenu par monsieur Inglis.

 

 

Lundi matin, nous avons été visiter un magnifique jardin que l'on a fait en commémoration des victimes de l'insurrection de 1857.

C'est sur cet emplacement même, où il y a eu le plus de massacres.

C'est moitié jardin, moitié cimetière, car on voit beaucoup de tombes.

Il y a une citerne dans laquelle les insurgés ont jeté un grand nombre d'Européens, hommes, femmes, enfants, morts, blessés ou vivants. Tous étaient entassés dans cet espèce de puits.

Mais il parait que c'est près de la citerne du jardin, que le combat était le plus acharné.

Cette citerne a été comblée, on en a fait un monument élevé à la mémoire des victimes.

Au-dessus de la citerne il y a un ange de marbre, adossé à une croix, les bras en croix sur la poitrine et tenant une palme. 

 

 

On a fermé cette place par un mur octogonal, surmonté de neuf pointes sculptées.

On entre par une porte de fer travaillée à jours.

Le bazar ou plurôt la ville noire, est assez curieuse. Les maisons sont originales. Il y en a de dorées, la plupart sont peintes. Le théâtre est près du jardin, on y conserve deux boulets de canon, qui viennent des insurgés. 

 

COMMENTAIRE PERSONNEL: "La révolte des cipayes du 10 mai 1857".

 

Dans les années 1850, les troupes indigènes réparties en trois armées distinctes s'élevaient à plus de 250 000 cipayes alors que l'armée régulière (Queen's regiments) ne dépassait pas 35 000 européens (surtout des écossais).

En mars 1857, le bruit courut dans le 3ème de cavalerie légère de Meerut, dans la province du Pendjab, au nord-ouest des Indes, que la graisse utilisée pour les nouvelles cartouches réglementaires avait été tirée de graisses animales (de vache selon les uns, de porc selon les autres). Or ces cartouches devaient être déchirées avec les dents pour être décapsulées avant l'emploi. Cela ne pouvait que hérisser les troupes indigènes, tant les hindous qui vénéraient les vaches, que les musulmans qui ne pouvaient tolérer le contact avec le porc.

Le 10 mai 1857, des cipayes ou soldats indiens des armées britanniques, refusent d'employer ces cartouches suspectées de contenir des graisses animales. C'est le début d'une insurrection généralisée contre la toute puissante Compagnie Britannique des Indes Orientales, une entreprise commerciale de droit privé.

85 cipayes qui avaient refusé d'utiliser lesdites cartouches, sont condamnés à dix ans de travaux forcés.

Le lendemain, la révolte gagne le régiment qui se mutine et marche sur Delhi. 

La prestigieuse capitale est conquise sans combat.

Très vite, l'insurrection gagne Allahabad, qui est prise le 11 juin suivant, puis Cawnpore, au sud

Cette place est défendue par plusieurs milliers de cipayes et quelques centaines de britanniques parmi lesquels des femmes et des enfants.

Sous une chaleur insoutenable, les combats font rage.

Après quatre mois de siège, les survivants réussissent à s'échapper abandonnant la ville aux insurgés. C'est en mars 1858, que les britanniques s'en rendront maîtres à nouveau.

 

Fin du chapitre 3...A suivre



31/08/2012
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