UNE FEMME, UN SIECLE : XVème siècle par ISABEAU
Dans cette rubrique : « Une femme, un siècle » j’ai imaginé l’héroïne et ses propos mais toutes les personnes, sujets et anecdotes qui apparaissent dans ce récit sont réels.
BIENVENUE DANS LE XVème SIECLE D'ISABEAU
Nous sommes en l'an de grâce 1442. Je m'appelle Isabeau, j'ai 16 ans et je vais bientôt me marier à Jocelin, il était temps !
L'enfance dure jusqu'à l'âge de sept ans, la jeunesse jusqu'à quatorze ans et la vie de femme de quatorze à dix-huit ans. Après c'est la vieillesse qui commence...
Injustice pour nous les femmes alors que l'homme n'est considéré vieux qu'à cinquante ans...
Jusqu'à présent je portais mes cheveux blonds et longs, détachés.
Mais une fois mariée je vais devoir les dissimuler sous une coiffe.
Le hennin est à la mode. Son nom vient du néerlandais "henninck" qui signifie "coq".
C'est un bonnet en forme de cône, en carton ou en fil métallique qui peut atteindre 80 cm de hauteur.
Un long voile ou gaze est fixé au sommet, orné de dentelles, brodé en or ou en argent.
Si la longueur du voile arrive à la ceinture, il est porté par une bourgeoise.
S'il atteint les talons, il est porté par l'épouse d'un chevalier et s'il traine au sol, une princesse, une duchesse ou une reine, le porte.
La chevelure est cachée et on n'hésite pas à épiler toutes les mèches qui dépassent.
Mais il y a aussi des coiffes plus étranges et moins seyantes à mon avis...
"Margareta van Eyck" par Jan van Eyck (1439)
Quant aux veuves ou aux béguines (célibataires appartenant à une communauté religieuse), elles portent une guimpe qui voile le cou, une partie de la tête et les épaules. C'est un voile de toile fine en lin ou en mousseline.
Pour laver mes cheveux, j'utilise une solution alcaline en mélangeant de la chaux et du sel.
Quand le froid est vif et l'eau glacée, je nettoie mes cheveux "à sec" avec de la poudre d'iris qui parfume et enlève l'excès de sébum.
Père utilise du jus de fleurs de genêt avec du vinaigre pour les pellicules.
Nous avons un puits tout proche et nous pouvons ainsi nous laver plus souvent dans une bassine.
Nous fabriquons notre savon à base d'huile et de suif de chèvre.
Bien sûr il y a les bains publics et étuves mais la morale réprouve de plus en plus ces lieux mixtes qui tournent au "lupanar" et augmentent la propagation des maladies vénériennes...
J'ai beaucoup de chance, car Margot qui s'occupe de la maison, change ma paillasse faite de foin, toutes les semaines et la parfume avec du basilic, de la camomille, de la lavande et de la menthe.
Je peux ainsi dormir d'un bon sommeil...
Pour ceux qui ne peuvent la changer, cette paillasse est remplie de vermine car les poux et les puces s'y nichent.
Nous mangeons avec nos doigts mais nous respectons les codes établis pour les repas par :
"Les contenances de Table" :
...Se laver les mains avant et après les repas
...Avoir les doigts propres et les ongles soignés
...Quand un morceau a été entamé, ne pas le remettre dans le plat.
...Ne pas se toucher le nez et les oreilles avec les mains
...Ne pas se curer les dents avec une pointe en fer, en mangeant
...Il est de règle de ne pas porter un plat à sa bouche
...Celui qui désire boire ne doit pas avoir la bouche pleine.
...Et qu'il s'essuie les lèvres auparavant.
Quand nous recevons des invités, nous préparons des volailles et des poissons servis avec des sauces au vin ou au verjus. Ce dernier est le jus acide extrait des raisins n'ayant pas mûri.
Nous mélangeons dans ces sauces, du sucre de canne découvert lors des croisades, du miel, des fruits et des épices en grande quantité : cannelle, gingembre, clous de girofle, poivre, cardamome et safran.
Mon père est très fier de son "hypocras", vin qu'il fait lui-même tous les ans.
Il garde sa recette cachée mais je sais qu'il ajoute dans le vin, du miel et des épices comme la cannelle, le gingembre et des clous de girofle.
Je pense que son petit "secret" consiste en l'ajout de macis ou fleur de muscade, membrane qui enveloppe la graine de muscade...Mais chut !
Dans les familles aisées, les filles apprennent à filer la quenouille, les travaux d'aiguilles et à broder des rubans avec des fils de soie, d'or ou d'argent.
Certaines sont confiées à des moniales qui leur enseignent la lecture, l'écriture et un peu de médecine.
Ma mère a longtemps étudié les plantes et possède son jardin médicinal à l'arrière de notre maison.
Elle a dans un des carrés qu'elle cultive, 15 à 20 plantes pour soigner les maux les plus fréquents :
Pour la fièvre : la reine des près
Pour le rhume et la toux : le marrube blanc
Pour purger : la coloquinte
Pour les migraines : la joubarbe
Pour cicatriser : le plantain, les feuilles de fraisier
Pour les maux de ventre : la menthe sauvage et la mélisse
Ma garde-robe est en laine, en lin et en chanvre.
Jusqu'à présent les couleurs à la mode sont le rouge, le bleu et le vert.
Je superpose ces couleurs vives et pour les hivers rudes, certaines de mes robes et manteaux sont doublés de fourrure.
Sous mes robes je porte une chemise blanche en lin.
Les croisades nous ont apporté des tissus nouveaux comme le Damas, la mousseline et la soie.
Le port de la ceinture pour les femmes est une marque honorable car les édits royaux interdirent aux prostituées d'en porter sous peine d'emprisonnement et de confiscation de leur parure.
Les "vilaines" ou paysannes portent sous leur robe une chemise appelée "cote" de couleur blanche au départ. Mais comme leurs vêtements ne sont lavés que deux fois par an, et qu'ils sont portés de jour comme de nuit, la couleur vire au noir...
J'aime à regarder mes bijoux dans mon coffre en cuir, travaillé avec des motifs floraux.
Notre foi chrétienne nous fait porter de magnifiques croix posées sur nos poitrines.
Nous ne portons pas de bracelets car les manches de nos robes sont très étroites et très longues.
En revanche, je possède de nombreux anneaux, du simple fil de cuivre à certains autres avec une gemme (pierre fine ou précieuse) de couleur.
J'ai un anneau avec un rubis qui préserve de la peste, un avec une perle pour la vue et un autre avec une émeraude qui guérit les palpitations (de mon coeur amoureux...)
Je vais vous laisser car j'entends la cloche qui sonne "none" et j'ai rendez-vous avec Jocelin qui m'attend...
La cloche sonne :
La Prime vers 6 heures du matin
La Tierce à 9 heures
La Sexte, la None à midi
Les Vêpres le soir quand il fait encore jour, entre 17 et 19 heures
Les Complies le moment avant le coucher vers 20 heures
Les Mâtines à minuit
Les Laudes à l'aurore
J'espère que cette promenade dans mon siècle vous aura plu...
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